La Fédération des Sociétés d’Anciens
de la Légion Etrangère
Le mouvement associatif légionnaire: origine et évolution
(Texte extrait du cahier de la Mémoire n° 9, paru en 2004)
1. Les amicales jusqu’à la Première guerre mondiale et la première tentative de fédération.
C’est en 1898 que naît la première association d’anciens de la Légion étrangère: elle s’appelle «La Légion, société de secours aux anciens officiers, sous-officiers et soldats de la Légion étrangère». C’est l’œuvre d’un ancien légionnaire, Jacques-Emile Maurer 1; devenu ingénieur après avoir quitté la légion en 1893, il a pris conscience des difficultés que peuvent rencontrer les anciens légionnaires rendus à la vie civile.
Le succès de cette société est immédiat. Dès lors il se dévouera pendant 50 ans aux anciens légionnaires. En 1909, Maurer, lance l’idée d’un regroupement des sociétés d’anciens de la Légion existantes.
Le premier congrès des amicales, réuni à Belfort en 1910 étudie le projet; il le reprend en 1911 au congrès de Nancy et le concrétise le 5 décembre 1912 au congrès de Paris en créant une Fédération, regroupant la Mutuelle de Paris, Belfort, Reims et Mulhouse. Marseille, Nancy, Troyes, St-Dié, Epinal et Lausanne la rejoignent en 1913.
Maurer en est le président assisté d’un secrétaire général (Braunschweig, de la Mutuelle).
Mais les événements allaient bouleverser ces sages décisions.
En effet un cataclysme d’une ampleur sans précédent allait s’abattre sur l’Europe, en 1914: l’éclatement de la Première guerre mondiale. Pendant la guerre de 14/18 les amicales sont désorganisées; certaines comme «La Légion» de Paris et l’association de Marseille ont cependant continué de secourir matériellement et moralement de nombreux camarades et leurs familles.
2. Les amicales et la fédération entre les deux guerres mondiales
Des divergences de vue avec le président de Strasbourg (Schulz) empêchent d’aboutir.
Ce dernier reprend alors le projet à son compte, mais ne peut réunir que 8 amicales (10 étant un minimum).En 1929, Rambaud (Marseille) fonde la «Société d’Amicales Légion France, Colonies et Etranger» qui est mise en sommeil à la demande du colonel Rollet qui commande le 1er R.E.I. à Sidi-Bel-Abbès, et qui a de plus grandes ambitions. Il a remarqué que les légionnaires libérés après 15 ans de service ont beaucoup de mal à se réadapter à la vie civile et estime que c’est le rôle des amicales de les sortir de leur solitude et de les aider à trouver du travail.
Mais elles ne seront puissantes que si elles sont regroupées.
Le 21 octobre 1930 est décidée la création de l’ «Union des Sociétés d’Anciens Légionnaires de France, des Colonies et de l’Etranger» (U.S.A.L./F.C.E.) dont Maurer est élu président.
Le lendemain, tout est remis en question par le désistement de Rambaud qui dirige à Marseille un «Centre d’Entr’aide aux Réformés et Retraités de la Légion étrangère». En effet, ce centre fonctionne avec l’aide financière et sous le contrôle de la «Section Etudes» de l’E.M.A. (C’est à dire l’EMA/2) et le capitaine Coulomb, qui en a la charge, interdit à Rambaud d’affilier le centre à l’U.S.A.L. qui ne peut donc alors pas voir le jour.
Mais Rollet, nommé général inspecteur de la Légion, n’a pas renoncé. En 1931, à la suite des festivités marquant à Sidi-Bel-Abbès Camerone et le Centenaire de la Légion, se réunit un Congrès dit «du centenaire». Sous l’égide du maréchal Franchet d’Esperey, en présence des généraux Rollet, Théveney, Stuhl (sénateur de la Moselle) et du colonel Nicolas commandant alors le 1er R.E.I., les 200 délégués représentant 24 sociétés décident, le 2 mai 1931, la création de l’U.S.A.L.
- «La Légion» société de secours mutuels (1898)
- Oran (1924)
- Belfort (1901)
- Metz (1925)
- Reims et Mulhouse (1907)
- Sidi-Bel-Abbès (1930)
- Troyes et St-Dié (avant 1909)
- Rabat (1930)
- Marseille (1910)- Bordeaux (1931)
- Nancy (1911)- Vienne [Autriche] (1931)
- Lausanne et Bienne (1913)
- Casablanca et Marrakech (1930)
- Alger (1914)
- La Chaux de Fonds (1913)
- Bâle (1915)
- Hanoi (1909)
- Luxembourg (1919)
- Nantes (1930 ?)
Son président en est Maurer, le bureau est fourni par la Mutuelle. Il est secondé par 5 vice-présidents délégués régionaux: Sud (Rambaud); Nord-Est (Bermot, de Metz); Maroc (vacant); Algérie (Debelle, d’Oran) et Suisse (Heger, de La Chaux de Fonds).
L’Association des Anciens Combattants Engagés Volontaires dans l’Armée Française, R.M.L.E. 14/18, dont Rollet fut un des fondateurs en 1916 n’est pas admise dans l’USAL, ni les «Engagés Volontaires pour la durée de la guerre» dans les amicales.
En 1935, à l’instigation du général François, est créée à Casablanca une Maison de retraite pour anciens légionnaires, gérée par un directeur sous contrôle d’un conseil d’administration.
En 1936 admission des amicales de Saïda et de Prague; le Centre d’Entr’aide de Marseille, en faillite, est transféré à Paris et dissous; le président de la Fédération du Maroc,nouvellement créée , devient statutairement vice-président pour le Maroc; il en sera de même pour la Suisse et, en 1938, pour le président de l’amicale de Sidi-Bel-Abbès qui devient vice-président pour l’Algérie. Quand il prend sa retraite en 1936, Rollet, pressenti pour prendre la présidence de l’U.S.A.L. refuse. En revanche, il accepte celles des «Amis de la Légion étrangère»3, fondée par Ortiz, citoyen des Etats-Unis. Rollet sera aussi président des «Gueules cassées».
Pendant la guerre 1939/45, la maison est gérée par l’ex-adjudant-chef Schutte et son épouse, particulièrement efficaces. Avec des prodiges d’ingéniosité, ils arriveront à faire vivre leurs pensionnaires en engageant parfois leurs fonds personnels.
3. Les amicales et la fédération de 1945 à 1962
L’U.S.A.L. qui a été mise en sommeil pendant la guerre tarde un peu à reprendre sa place.
En 1946, Maurer, replié à Monaco, désigne son adjoint, Charles Schmid (de la Mutuelle) comme vice-président pour la zone Nord et le général Azan (de Marseille) pour la zone Sud et les charge de recenser les sociétés rescapées. Le bilan est alors, à cette date:- 10 sociétés disparues (St-Dié, Lausanne, Bienne, la Fédération du Maroc,La Chaux de Fonds, Hanoï, Oujda, Le Havre, Lodz et Longwy); au total 28- 3 sociétés réapparues (Nancy, Tlemcen et Prague); . sociétés- 2 nouvelles créations (St-Brieuc et Montbéliard).
D’autres associations cherchent à regrouper, en dehors de l’U.S.A.L. tous les anciens légionnaires: C’est le cas de l’Association des anciens de la Légion étrangère, créée à Paris par Delvigne (elle changera son appellation en Association générale des anciens de la Légion étrangère: A.G.A.L.E.).
Maurer convoque les 28 sociétés en Assemblée générale extraordinaire le 30/8/1947 pour demander que l’U.S.A.L. soit reconnue d’utilité publique. Refus du ministre de tutelle: le fonds de réserve est insuffisant. L’année suivante il démissionne (il est alors nommé «président d’honneur» à vie), et est remplacé à la présidence de l’USAL par son adjoint, Charles Schmid. Le fonds de dotation est porté à 30 000 F, les cotisations sont fixées et les délégations régionales réorganisées.
Les E.V.D.G.(5) ne sont toujours pas admis dans les amicales de l’USAL et à ce sujet, un grave différend éclate entre le président Schmid (qui fait partie de la Mutuelle), soutenu par le général Azan, et le colonel Gaultier, commandant le Dépôt Commun des Régiments étrangers (DCRE) de Sidi-Bel-Abbès. Ce dernier soutient l’A.G.A.L.E.(qui ne fait aucune exclusive quant à l’origine du recrutement des légionnaires) au détriment de la Mutuelle. Devant cette situation, Schmid se retirera de l’U.S.A.L en 1950.
En 1946, Nazare-Aga, président de l’Association des anciens combattants engagés volontaires étrangers dans l’Armée française, fonde la Maison des Invalides de la Légion étrangère (MILE) de La Balme-les-Grottes, près de Lyon. Dirigée par le lt-col Borgat, elle est suivie de près et aidée par le service social de la Légion. Nous verrons les détails de cette création dans la 3e partie du présent ouvrage.
En 1949, il fonde une fédération, totalement indépendante de l’U.S.A.L., qui veut réunir tous les anciens légionnaires, tous les anciens combattants volontaires étrangers de l’armée française et aussi les étrangers appelés sous les drapeaux (6). Celle-ci est sise au 3 rue Pierre-1er de Serbie (16e) et devrait regrouper 25 associations:
– L’Association des anciens combattants engagés volontaires luxembourgeois;
– L’Association des anciens combattants engagés volontaires suédois;
– L’Association des anciens combattants engagés volontaires norvégiens;
– L’Association des anciens combattants engagés volontaires danois;
– L’Association des anciens combattants engagés volontaires tchécoslovaques;
– L’Association des anciens combattants engagés volontaires arméniens;
– L’Association des anciens combattants engagés volontaires garibaldiens;
– L’Association des anciens combattants engagés volontaires héllènes;
– L’Association des anciens combattants engagés volontaires anglais;
– L’Association des anciens combattants engagés volontaires polonais;
– L’Association «Trench and Air» ( engagés volontaires américains, président col Rockwell);
– Trois associations juives;
– L’Association des anciens de la Légion étrangère;
– L’Association des anciens combattants de l’Armée française à titre étranger (président de Nork);
– L’Association des amis de la Légion étrangère;
– L’Amicale des réservistes de l’Armée française;
– L’Amicale des anciens combattants du 11e REI;
– L’Amicale des anciens combattants du 12e REI;
– L’Amicale des anciens combattants du 22e RMVE;
– L’Amicale des anciens combattants du 23e RMVE;
– L’Association des volontaires italiens dans l’Armée française.
Le président Schmid ayant demandé son remplacement, le général Azan propose au général Flipo de prendre les fonctions de président de l’U.S.A.L..
Ancien du R.E.C., Flipo, vient de passer général en quittant le service actif. Il avait appartenu aux F.F.L.. Il accepte et se trouve confirmé comme président par l’assemblée générale en 1950.
En 1951, dans la dénomination de l’U.S.A.L., le mot «Colonies» est remplacé par «Union française». Des délégués régionaux sont désignés: pour Metz, Marseille, Bordeaux, l’Algérie, le Maroc, la Belgique et la Suisse. Le siège de l’Union est transféré au 44 rue de Rennes, dans les locaux de l’immeuble attribués à l’amicale parisienne «La Légion».
Après la mort du général Azan, certaines sociétés affiliées acceptent les EVDG, ce que refuse la Fédération du Maroc, qui quitte alors l’U.S.A.L., entraînant à sa suite la plupart des sociétés du Maroc.
A Sidi-Bel-Abbès, l’ancien maire, M. Bellat, a fait don à l’amicale de cette ville d’un terrain sur lequel le président Joly entreprend la construction d’une nouvelle «Maison des Anciens Légionnaires». Des difficultés surgissent pour régulariser cette donation; nous reviendrons sur ce sujet.
En 1955 le président de l’amicale de Strasbourg, Bothéron commence la construction du Centre d’accueil de Strasbourg et Peretz lance le comité pour la Maison des anciens légionnaires de Paris (7).
L’U.S.A.L change de nom le 30 juin 1956 pour devenir Fédération des Sociétés d’Anciens Légionnaires, France, Union française et étranger le 30/6/56 (FSAL), voulant marquer ainsi sa représentativité universelle et sa prééminence sur tous les autres regroupements locaux. Son bureau s’installe au 6 rue Magellan, dans le 8e.
L’indépendance du Maroc entraîne la disparition progressive des amicales de ce pays, à l’exception notable de la Maison de Casablanca, qui devient «Maison des Anciens», n’étant plus réservée aux seuls légionnaires.
Le 2 janvier 1957 la fédération est reconnue d’utilité publique (J.O. du 10/1/57). Cette reconnaissance habilite son président à effectuer des opérations financières. C’est ainsi que le général Flipo se rend en Algérie à Sidi-Bel-Abbès pour accepter le don du terrain Bellat, ce qui avait été refusé à la société locale8. Il assiste en avril à l’inauguration de la Maison de retraite de Sidi-Bel-Abbès (dont la construction n’est pas encore achevée).
Il est aussi autorisé a contracter au nom de la F.S.A.L. un emprunt de 20 millions auprès de l’O.N.A.C. pour terminer cette maison. Enfin, différentes manifestations sont organisées à Sidi-Bel-Abbès comme à Paris pour recueillir des fonds pour cette maison.
Sous l’impulsion de Jules Peretz la fédération achète un immeuble à Paris pour en faire la Maison des anciens légionnaires et contracte un emprunt de 10 millions pour l’aménager. Cette maison est officiellement inaugurée le 25 mai 1960 par le ministre des Anciens combattants M. Triboulet, mais les travaux d’aménagement ne seront achevés qu’en 1962.
La fédération accorde un soutien financier à la Maison de Casablanca en difficulté. En 1960, elle fait entrer les directeurs des maisons d’Auriol, Strasbourg, La Balme, Casablanca et Paris au conseil d’administration de la fédération. Le général Flipo est autorisé à acheter le Château de La Balme avec les fonds fournis par la M.I.L.E., frais de mutation allégés. La FSALE en devient le propriétaire officiel. (9)
En 1960 la Fédération des sociétés d’anciens légionnaires change de dénomination pour devenir F.S.A.L.E. (Fédération des sociétés d’anciens de la Légion étrangère). Elle désigne aussi 7 délégués régionaux pour représenter le président fédéral.
Le général Flipo entre aussi au conseil d’administration de l’établissement d’Auriol et en devient le président. Le service social de Bel-Abbès accorde un prêt de 500 000 francs pour parer au plus pressé et la M.I.L.E (de La Balme-les-Grottes) aide la maison d’Auriol à retrouver son équilibre.
Deux quêtes nationales sont lancées par l’AGALE et la fédération pour financer le projet de création de la Maison des anciens légionnaires de Paris. Un gala cinématographique a lieu lors de la promotion du film Marche ou Crève en 1962.
4. Les amicales et la fédération de 1962 à 1990
La Fédération s’efforce d’appuyer dans la mesure de ses moyens l’action du général Penette en vue de l’édification du mémorial de Camerone au Mexique et participe à la préparation des cérémonies du centenaire de ce combat en 1963.
En 1965 la Fédération participe à l’organisation des manifestations du cinquantième anniversaire des combats de Champagne de 1915, qui se déroulent autour de Reims où elle organise son assemblée générale annuelle, permettant ainsi aux délégations des amicales d’assister aux cérémonies qui revêtent cette année une ampleur particulière.
Le général Louis Gaultier succède au général Flipo à la tête de la Fédération le 16 décembre 1966. Il a servi 28 ans à la Légion étrangère et fut l’initiateur du Fonds central des œuvres légionnaires, qui sera peu après transformé en Service du moral et des œuvres de la Légion étrangère, le fameux SMOLE, cher aux anciens légionnaires. Pendant près de trois ans il va se dépenser sans compter pour organiser et développer la Fédération et essayer de limiter les problèmes qui apparaissent entre certaines amicales, liés la personnalité affirmée de leurs dirigeants.
Le général Gaultier rencontrant de graves problèmes de santé démissionne en 1969 et le général Flipo accepte de reprendre la présidence jusqu’à l’arrivée du général Spitzer en 1973.
En 1975 un attentat à l’explosif endommage gravement l’immeuble de la Fédération, rue Mouzaïa dans la nuit du 12 au 13 septembre. Heureusement aucun pensionnaire n’était présent11, il n’y a donc eu que des dégâts matériels. Les pensionnaires sont relogés provisoirement au Fort de Nogent.
La Fédération s’installe, quant à elle, dans un bureau de l’hôtel des Invalides en attendant que le général Spitzer, président de la fédération ne trouve un local plus approprié. Il fait adopter par le conseil d’administration la décision de vendre l’immeuble endommagé et d’acquérir de nouveaux locaux au 15 avenue de La Motte-Picquet dans le 7e arrondissement de Paris, où elle se trouve encore aujourd’hui.
En 1985 la fédération participe de nouveau à une importante cérémonie pour la commémoration des combats de Champagne de 1915.
5. Les amicales et la fédération à partir de 1990
Le général Jean-Claude Coullon lui succède le 11 mai 1991, et est confirmé dans ses fonctions par l’assemblée générale du 17 novembre. En 1995 le congrès de Fréjus correspond aussi à l’inauguration du mémorial de Fréjus dédiés aux combattants d’Indochine. A cette occasion le président prononce une allocution dans laquelle il appelle de ses vœux une cérémonie annuelle du souvenir dédiés aux combattants d’Indochine.
– En 1996 la création d’un «Comité de la Mémoire» qui sera placé sous la direction du général (c.r.) Colcomb
– De 1997 à 1999 la fédération lance l’idée de faire bénéficier tout légionnaire étranger blessé en service commandé de la nationalité française. Cette action provoque un débat national sur le sujet et abouti à l’adoption en décembre 1999 du texte de loi «Français par le sang versé»(15)
– En 2000 le lancement de la demande du droit d’ester en justice pour la fédération à l’encontre de personne ou organisme attaquant les anciens de la Légion étrangère (au même titre que la LICRA peut le faire à l’encontre de tout individu ou organisme manifestant des propos raciste). Cette demande n’a pas encore abouti mais la fédération persévère dans son action.
Le 1/7/2001, le général Coullon fait élire le général Rideau à sa succession à la tête de la fédération. L’année marque aussi l’ouverture du site internet de la fédération dont nous reparlerons plus loin.